22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 16:19

Il n'y a sans doute dans l'Histoire de l'Humanité aucune interrogation plus récurrente, source de toutes les angoisses et de toutes les peurs, que celle de l'avenir. Mais le futur, dont la définition par excellence est celle du néant, n'existe pas ! Pourtant depuis toujours, l'Homme cherche à s'y projeter. Il cherche à prévoir, à calculer, à prévenir, à prédire ce qui n'existe pas encore, et pourrait arriver. Que ne ferions-nous pas pour connaître l'inconnaissable, maîtriser l'indéterminé, éviter le pire et saisir le néant qui advient ? Cette préoccupation est une marque absolue de notre pouvoir, ou de notre échec, face au monde. Cet avenir, beaucoup d'entre nous le voient plus sombre et plus incertain que jamais, d'autres tentent d'y voir le lieu d'un renouveau encore possible. Entre apocalypse ou collapsologie, curiosité, résignation et espoir, la question de notre avenir, de l'avenir de l'Humanité est désormais au cœur de nos questionnements quotidiens, et les artistes contemporains s'en saisissent avec raison.

Dans un premier temps, l'exposition aborde, en écho au premier volet présenté au monastère royal de Brou, mais dans des expressions plus contemporaines, la manière dont l’Humain a cherché et cherche encore à prévoir l’avenir, en s’appuyant sur diverses techniques de prédication, de divination, qu'on aurait pu penser devenues obsolètes par la suprématie du savoir scientifique.

Médaillon n°1 - Bélier - Série Les médaillons du Zodiaque

Ainsi de l'astrologie, illustrée par les médaillons du zodiaque de Mai Tabakian, de la cartomancie, avec les tarots de Clara Tissot, ou encore l'appel à la médiumnie et à la voyance, comme au travers du personnage fantasque inventé par Pablo Cots. Puis, se questionnent les nouvelles formes de prédictions : celle, par exemple, que génèrent nos smartphones lorsque nous écrivons un message, et dont se sert Esmeralda Kosmatopoulos pour créer des haïkus numériques. La peur de l'avenir, l'anxiété de ne parvenir à maîtriser cette part d'indéterminé résistant à tout rapport absolu de cause à effet poussent certains d'entre nous à voir des signes partout, à lier les faits du monde par des biais absurdes et irrationnels, comme le montre par exemple Céline Tuloup dans son installation « Signes noirs ». L'exposition se projette ensuite du présent vers l'avenir, car la prédiction n'est jamais qu'une façon de planter dans le présent les germes d'un avenir possible. « Comment nous allons sauver le monde » ?, pour reprendre un élément de l'œuvre de Matthieu Boucherit, est devenue une question quotidienne, aussi anxiogène que cruciale, aussi médiatique que scientifique… En explorant des croyances comme des technologies contemporaines, les œuvres présentées tentent d'avancer sur le chemin incertain de l'avenir, entre béance et espérance. Elles mettent souvent en évidence la difficulté de prédire l'avenir car aucun principe n'est peut-être plus assuré que celui de l'incertitude… Entre « des... astres » et « des...espoirs », comme l'écrit en néon Fabien Chalon, l'annonce de la fin ne sera pas nécessairement une « Happy end », ainsi que le dessine Jessy Deshais dans une exploration cinématographique de toutes les fins du monde possibles. Il se peut, à l'instar de l'œuvre de Pierre Ardouvin, que la fête soit finie, il se peut que l'Apocalypse advienne mais, et tel en est le sens profond, qu'un renouveau soit possible. Nous y penserons en voyant poindre, ici ou là, les petites fleurs de l'Apocalypse semées par Régis Perray.

 

H2M-Espace d’art contemporain

Hôtel Marron de Meillonnas

5 rue Teynière

01000 Bourg-en-Bresse

13 avril > 28 juillet 2024

Ouvert du mercredi au dimanche de 13h à 18h - Entrée libre et gratuite

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16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 10:56

Le Centre d’art Jean-Prouvé de la Ville d’Issoire (63) propose du 18 mars au 29 mai 2023 une exposition intitulée Médiéval Technicolor et consacrée aux œuvres de l’artiste plasticienne Mai Tabakian.

Dans l’œuvre de Mai Tabakian, les formes géométriques, les compositions chromatiques franches ou acidulées, le souci des volumes et des surfaces semblent résulter d’un brassage de références historiques, de l’abstraction géométrique à l’op art, de l’orphisme à l’art concret, de Stilj à l’abstraction américaine en passant, peut-être, par les jeux de couleurs et de formes du new pop superflat ou les rondeurscolorées de Kusama...

Dans le même temps, tout dans l’œuvre de Mai Tabakian laisse supposer un pas de côté, une fuite libre hors de ces sentiers déjà battus. La dimension sculpturale – voire architecturale – de son travail dans le médium qu’elle a choisi, l’esthétique globale de son œuvre, offrent des alternatives inédites à la fois ces attendus de l’histoire de l’art moderne et contemporain, mais aussi aux actuelles productions d’œuvres textiles.

Pour Médiéval Technicolor, Mai Tabakian s’est inspirée du riche patrimoine roman d’Issoire, et plus particulièrement de l’abbatiale Saint-Austremoine, pour créer deux œuvres inédites : Vitrominos, véritable jeu de 28 dominos géants dont les motifs géométriques reprennent ceux des vitraux de l’abbatiale qui résonnent de manière étonnante avec le travail de l’artiste et notamment ses références à l’architecture et à l’intelligence de la nature, et Les Médaillons du Zodiaque, clin d’œil à ceux du chevet de l’abbatiale mais librement réinterprétés avec le vocabulaire plastique propre à l’artiste. Ces œuvres seront présentées pour la première fois au public au Centre d’art Jean-Prouvé.


Un catalogue de 36 pages est réalisé pour l’occasion avec un texte de Marie Deparis-Yafil et un entretien avec l'artiste.


Tout public
Entrée libre et gratuite à l’exposition

Vernissage le samedi 18 mars 2023 à 11h30 en présence de l'artiste.

Horaires d'ouverture :

Du mardi au dimanche de 14h à 18h
Le samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h

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14 février 2023 2 14 /02 /février /2023 08:26
So Fu**ing Flowers - exposition collective - organisée par la Trans Galerie, avec le soutien de SoBD - Vues d'expo - Galerie Cécilia F - du 25 janvier au 4 février 2023 - Paris (France)
So Fu**ing Flowers - exposition collective - organisée par la Trans Galerie, avec le soutien de SoBD - Vues d'expo - Galerie Cécilia F - du 25 janvier au 4 février 2023 - Paris (France)
Série Nucleus - 2015

Série Nucleus - 2015

So Fu**ing Flowers - exposition collective - organisée par la Trans Galerie, avec le soutien de SoBD - Vues d'expo - Galerie Cécilia F - du 25 janvier au 4 février 2023 - Paris (France)
So Fu**ing Flowers - exposition collective - organisée par la Trans Galerie, avec le soutien de SoBD - Vues d'expo - Galerie Cécilia F - du 25 janvier au 4 février 2023 - Paris (France)
So Fu**ing Flowers - exposition collective - organisée par la Trans Galerie, avec le soutien de SoBD - Vues d'expo - Galerie Cécilia F - du 25 janvier au 4 février 2023 - Paris (France)

 

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20 septembre 2022 2 20 /09 /septembre /2022 13:17
Article de Marie-Emilie Fourneaux paru dans le hors-série UTOPIA lille3000 de Beaux-Arts Editions
Article de Marie-Emilie Fourneaux paru dans le hors-série UTOPIA lille3000 de Beaux-Arts Editions
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18 avril 2022 1 18 /04 /avril /2022 21:09

«Formes sensibles», l'exposition monographique de Mai Tabakian à la Manufacture de Roubaix, se présente comme une sorte de rétrospective. Montrant un ensemble d'œuvres réalisées au cours de ces dix dernières années, l'exposition parcourt et unifie les préoccupations esthétiques, formelles et philosophiques de l'artiste franco-vietnamienne, qui se définit elle-même davantage comme sculptrice que comme «artiste textile» à proprement parler. Car si l'artiste construit des objets résistants aux catégories, ni tableau ni sculpture au sens traditionnel du terme, ni couture ni broderie, ni tapisserie, flirtant constamment avec l’hybride et la mutation, le textile est pour elle en soi non un propos mais un vocabulaire. 

Dans l'œuvre de Mai Tabakian, les formes géométriques, les compositions chromatiques franches ou acidulées, le souci des volumes et des surfaces semblent résulter d’un brassage de références historiques, de l’abstraction géométrique à l’op art, de l’orphisme à l’art concret, de Stilj à l’abstraction américaine en passant par, peut-être, les jeux de couleurs et de formes du new pop superflat ou les rondeurs colorées de Kusama…

Dans le même temps, tout dans l’œuvre de Mai Tabakian laisse supposer un pas de côté, une fuite libre hors de ces sentiers déjà battus. La dimension sculpturale -voire architecturale- de son travail dans le médium qu'elle a choisi, l'esthétique globale de son œuvre, offrent des alternatives inédites, à la fois à ces attendus de l’histoire de l'art moderne et contemporain, mais aussi aux actuelles productions d’œuvres textiles.

Les formes sculpturales que présente Mai Tabakian, entre couture, suture et matelassage, sont à bien des égards – et au premier regard- sensibles, en ce qu'elles appellent l'œil et le séduit, dans une approche initiale qui semble ludique, exacerbée par un chromatisme chatoyant et des effets de volume sensuels provoquant la tentation haptique. Dans cette œuvre à la dimension a priori délibérément décorative, et plastiquement hautement désirable, le rendu plastique, reconnaissable comme une signature, les formes à la fois lisses, brillantes, rebondies, la richesse des motifs ouvrent à un éventail d'impressions et de sensations rassasiantes pour notre perception, qui récolte ici une abondante moisson d'images et de suggestions.

Slices

Des sensations vibratiles des «Nucleus» à la profusion de motifs des «Slices» ou d'un monumental «Grand chemin», les œuvres de Mai Tabakian affirment une présence hautement sensible, dans l'immédiateté du plaisir esthétique qu'elles procurent.

En outre, l'œil averti du visiteur aura tôt fait de saisir les ambiguïtés corrélant l'évidente sensualité, quoique contenue dans ses formes, de ces œuvres. La plupart d'entre elles ouvrent en effet à une réjouissante pluralité des interprétations, volontairement entretenues par l'artiste, notamment au travers des titres qu'elle choisit.

Garden sweet garden

Ainsi l'impressionnante installation « Garden sweet garden » oscille entre fleurs dévorantes et champignons vénéneux, visions hallucinatoires ou plantes psychotropes susceptibles de les provoquer, confiseries géantes dignes de l’imagination de Willy Wonka (1)...Ou bien : métaphores sexuelles pour rêves de jeunes filles, comme un délice psychanalytique ! La multiplicité des interprétations possibles, si ce n’est leur duplicité, se rapportant donc à l’intention, à la disposition d’esprit de celui qui regarde, suggère par là même l’idée freudienne d’une « rencontre inconsciente » entre l’artiste et le regardeur, dont l’œuvre fait médiation, rencontre qui, comme dans la rencontre amoureuse, opèrerait en amont de la conscience… Autrement dit, jouant des écarts entre l’explicite et l’implicite, dans ses entre-deux, ses allers retours, ses retournements, ses doutes, ses ellipses, Mai Tabakian s’amuse autant du non-dit que du déclaratif, de la représentation symbolique comme de la métaphore

Cinderella (Cendrillon)

Ainsi de sa « Cinderella » dont l’emboitement des deux parties (comme « En plein dans le mille ») doit davantage à l’analyse psychanalytique de Bruno Bettelheim (2) et du sens métaphorique de l’expression « trouver chaussure à son pied » qu’au sport de cible à proprement parler, ou de cet haltère mesurant le « poids de l’adultère » (« Haltère adultère »), duel et léger.

Mais il serait réducteur de ne voir en l'œuvre de Mai Tabakian qu'une gourmandise pop, légère et colorée. Car de la même manière que la tradition platonicienne ne voit en le monde sensible – auquel, mimesis par excellence, appartient l'œuvre d'art- qu'un monde d'apparence au-delà duquel il faut se porter pour apercevoir quelque solide vérité, les préoccupations de Mai Tabakian la portent bien au-delà du joyeux foisonnement apparent de ses œuvres.

Il y a d'abord chez elle l'intuition de l'impermanence du monde, du péril de sa stabilité, source d'angoisse et d'inquiétude. De nombreuses œuvres semblent une réponse, une réaction, une tentative contre la réalité de ce « monde flottant » (le Ukyiô de la tradition japonaise). Drainant toute la pensée asiatique, le sentiment d'incertitude, la difficulté de capturer, de maîtriser les éléments du monde se trouvent confrontés, écho à la double culture de l'artiste, à la tentation rationnelle, notamment au travers de l'intérêt que l'artiste porte à la géométrie et aux mathématiques, à la perfection des formes, à la modélisation du réel. Carré, triangle, cercle, rectangle, pentagone, hexagone ou octogone, les formes de la « géométrie sacrée », à l'œuvre dans la nature comme chez les bâtisseurs, s'inscrivent partout chez Mai Tabakian, comme pour consolider son monde et en conjurer la fluidité.

Au-delà des formes immédiatement perceptibles, et de la confusion du réel, toute l'œuvre de Mai Tabakian est sous-tendue par une quête physico-métaphysique d’explication du monde, la recherche d’une logique dans le fonctionnement de l’univers, notamment à travers l’observation de la Nature comme de notre propre nature, de ce qui nous compose, de la cellule aux grandes questions existentielles. « La nature », dit Mai Tabakian, « « le Grand Tout », ne serait peut-être qu’un assemblage de « petits touts » », ou une imbrication d'ordres logiques, à l'instar des théories organico-mécaniques nourrissant la pensée classique, depuis les théories atomistes de Démocrite ou Lucrèce, en passant par Aristophane, Descartes, Goethe ou Hegel.

Les trophées (détail)

Ainsi l'’installation des «Trophées» présente une série de haut-reliefs de fruits étranges en coupe, comme les deux moitiés d’un même organisme : un couple. Cette œuvre se rapporte explicitement au célèbre «mythe d’Aristophane»: retrouver sa moitié originelle perdue, dans les limbes du mythe et de l’histoire anté-séculaire, afin de (re)former l’unité primitive et ultime.

 

La démarche de l’artiste repose in fine sur une sorte de recherche de l’ «archè», de ce qui préside à la fondation même des choses et des êtres, d’un principe qui, pour reprendre les mots de Jean-Pierre Vernant, «rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l’unité» (3), que l’artiste, avec la tradition grecque, place dans ce que nous pourrions appeler avec elle «l’Eros», principe créateur et ordonnateur du chaos. Le combat d’Eros, fondamentalement puissance vitale de création, d’union et de totalité, se poursuit inlassablement contre les forces de la déliquescence, de la destruction et de la mort.

C'est ici que l'œuvre colorée et a priori inoffensive, comme une sorte de politesse, de Mai Tabakian, se fait plus implicitement douloureuse qu'elle n'en a l'air. Et ses «formes sensibles» le sont aussi par sensibilité. Toujours s'agit-il pour elle de mettre l'angoisse à distance, car son travail est traversé d'une conscience aigüe de la mort et de son rapport au vivant, du sentiment du lien étroit entre la beauté et la finitude, dans ce que cela peut avoir de plus inquiétant, une sorte d’effroi devant le mystère de l’organique, comme devant l’indépassable de la destruction.

Il s'agit alors, comme dans une sorte de catharsis, de transformer la laideur et la mort en art, qu’il se fasse géométrique ou qu’il soit délesté de sa dimension «intestinale», dans un subtil jeu d’entre-deux entre attraction et répulsion, de retourner ce qui, dans l’organique, peut paraître impur et déliquescent, de «transcender le négatif» dans une expression plastique et esthétique harmonieuse et mouvante, abstraite et suggestive, aspirante et impénétrable à la fois.

Comme une forme de lutte contre une cruauté dont nous ne savons pas tout mais que nous connaissons tous, Mai Tabakian donne ainsi mystérieusement figure à son histoire intérieure.

Au-delà de cette dimension intime, les œuvres de Mai Tabakian témoignent à vif de la vie sensible, de cette sensibilité qui est la vie même et que l'œuvre d'art dévoile en même temps qu'elle dévoile une forme de la vérité. Aucune pensée ni aucune émotion ne sont transmissibles sans avoir été transformées pour devenir sensibles. Dans la complexité de sa pensée et de ses émotions, Mai Tabakian fait de son travail l'«expression de son esprit», pour le dire en terme hégéliens, car c'est dans la forme sensible de ces sculptures que se dévoilent les significations, que se révèle une forme de vérité peut-être plus profonde et complète que celle de n'importe quel raisonnement. «L’art est ce qui révèle à la conscience la vérité sous forme sensible» écrivait Hegel...Ce pourquoi Mai Tabakian aura choisi l'art et ces formes, et non un autre ordre de discours, reliant par des liaisons ténues mais visibles l'âme et le monde.

 

Marie Deparis-Yafil - Mars 2020

 

  1. – Héros du conte de Road Dahl « Charlie et la chocolaterie »
  2. - Psychanalyse du conte de fées – Bruno Bettelheim – 1976
  3.  - L'individu, la mort, l'amour. Soi-même et l'autre en Grèce ancienne,- Jean- Pierre Vernant- 989
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